རླུང་རྟ། Lungta
LES CHEVAUX DU VENT
Je suis parti dans l’Himalaya, au bout du monde. J’y suis retourné plusieurs fois. Fasciné par la coexistence du sacré et du profane, je désirais montrer comment ces scènes médiévales s’inscrivent dans le monde contemporain. Et rendre hommage au noble combat du peuple tibétain.
Dans les pas d’Alexandra David-Néel et de la photographie vintage, équipé de ma chambre photographique, je retrouvai l’éblouissement de la découverte. Sur les traces de Tintin au Tibet, je cherchai un équivalent photographique à la “ligne claire” d’Hergé.
Après dix ans et quatre voyages dans ces contrées himalayennes dont j'ai fini par adopter les valeurs, il était temps de montrer ce projet.
Ce serait non seulement une exposition mais aussi un livre. Non pas le millionième livre sur l'Himalaya ou le bouddhisme tibétain, mais un objet. Un objet étrange et précieux, directement inspiré des livres tibétains traditionnels. Je me suis attelé à l’éditer pendant la crise du covid. Les avions étaient malheureusement cloués au sol et moi j’avais chopé le cancer. J’ai réalisé le livre en étroite collaboration avec Michel Wattebled, artisan-designer. Il a conçu et fabriqué le coffret dans son atelier à Perpignan.
Le rêve d’Alban
Le tsug lhakhang, le temple principal, bourdonnait d’activité. Leh accueillait en cette fin d’hiver une importante fête religieuse. Les congrégations bouddhistes de tout le Ladakh avaient fait le déplacement, des moines de tous âges avaient investi les lieux.
Je me préparais à les photographier, j’installais ma chambre sur son trépied. Mais pour un géant aux cheveux jaunes, difficile de se faire complètement oublier.
Un tout petit garçon - il devait avoir l’âge d’Alban, mon petit-fils - au crâne rasé, vêtu de la robe rouge, patientait poliment au pied de la caméra. Je le soulevai afin qu’il puisse regarder dans le dépoli, sous le voile. Il exclama sa surprise, vraisemblablement quelque chose comme : "mais tout est à l’envers !". Du coup, les autres petits moines voulurent voir aussi. Ils firent la queue, attendant sagement leur tour pour regarder au travers de la chambre, que j’avais adaptée à leur hauteur. La file s’allongeait ! Finalement, même les adultes, puis les vieillards, qui, au début faisaient mine de ne pas prêter attention à cette machine profane, vinrent à leur tour jeter un œil sur le dépoli. Certains avaient l’air d’être des personnages importants. Tous m’ont remercié d’un gentil sourire.
Le lendemain mon téléphone sonna. C’était Anne, ma belle-fille, qui m’appelait pour la première fois depuis mon départ : “Alban s’est réveillé ce matin en disant : j’ai rêvé de papi Richard, il prenait des photos depuis le sommet d’une montagne”. Quand j’ai raconté ce rêve à mes amis ladakhis, ils m’ont regardé d’une façon étrange. “Quel beau rêve ! C’est une bénédiction” me dirent-ils, suggérant qu’elle avait été envoyée par les maîtres qui avaient regardé dans ma caméra.
Critique par Frédéric Martin
Lungta, livre d’artiste du photographe Richard Petit, est publié à sept exemplaires. Il se présente sous la forme d’un coffret de bois semblable aux livres traditionnels tibétains (mis en forme dans l’atelier perpignanais de Michel Wattebled) contenant trente photographies, réalisées à la chambre entre 2010 et 2018 lors de quatre séjours dans la… Lire la suite
Exposition Arles 2022
Galerie le lac gelé
རླུང་རྟ།
Livre objet bientôt disponible sur
lelacgele.org
Exposition à Perpignan
Atelier Michel Wattebled